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Olivier Du Roi

Tradition Eonienne: Pythagore

Dernière mise à jour : 23 oct.




Pourquoi l’Ordre du Lys et de l’Aigle se réclame de la Tradition Orphique et Pythagoricienne ?



CHAPITRE DEUXIEME

Pythagore


Pour la plupart des gens, il reste au fin fond de leur mémoire un vague souvenir d’un fameux théorème qui les a éveillés ou au contraire rebutés aux sciences mathématiques. Souvenez-vous : « Dans un triangle rectangle, le carré de la longueur de l’hypoténuse est égal à la somme des carrés des longueurs des deux autres côtés ». C’est le fameux théorème de Pythagore que nous avons tous appris au Collège. Mais à part cette lointaine réminiscence, Pythagore n’évoque pour la majorité des gens bien souvent rien de plus.




Pour d’autres, il est aussi un philosophe ou un sage. Pour certains encore, analystes souvent contemporains, Pythagore n’a apporté que des rudiments mathématiques et sa "science" du nombre reste très limitée et souvent naïve, mélangeant des concepts géométriques ou arithmétiques à des croyances religieuses ou mystiques semblant n’avoir aucun rapport entre eux et ne reposant sur aucun socle vraiment scientifique. Emile Bréhier (1), par exemple, dans sa monumentale Histoire de la philosophie, en parle en des termes peu élogieux. Il renvoie les pythagoriciens à des " primitifs " aux croyances folkloriques.

Et même quand des scientifiques modernes, comme Sylvie Vauclair (2), semblent découvrir par l’observation un début d’explication du système pythagoricien, c’est pour mieux s’en détourner. Dans son livre La nouvelle musique des sphères publié en 2013, l’astrophysicienne démontre que « le Soleil et les étoiles qui lui ressemblent tintent réellement comme des caisses de résonance d’instruments de musique », ce qui pourrait se rapprocher de la théorie pythagoricienne sur l’harmonie céleste et la musique des astres. Et elle poursuit : « C’est la nouvelle musique des sphères, la vraie musique des étoiles ! » Dans son sillage, beaucoup pourraient lui emboîter le pas et proclamer une nouvelle victoire des sciences objectives sur les philosophies antiques et leur vision surannée d’un monde qu’elles ont imaginé plus qu’observé… C’est de toute façon ce qu’une bonne partie de la communauté scientifique avait déjà fait depuis longtemps, reléguant au rang des penseurs de second rang tous ceux qui ne basaient pas leur système conceptuel uniquement sur l’étude expérimentale et analytique des faits.

Eh bien, les membres de l’Ordre du Lys et de l’Aigle ont, sur Pythagore, une autre vision (très différente). Il représente à leurs yeux un personnage majeur de l’Histoire de la pensée humaine et de la Tradition Initiatique. Il est un personnage essentiel qui a, comme beaucoup d’autres après lui, éclairé l’humanité de sa Sagesse. Il faut voir surtout Pythagore comme un maillon d’une chaîne initiatique partant d’Hermès Trismégiste, continuant avec Orphée, Pythagore, Platon, les stoïciens… Et il est un fait que l’Ordre du Lys et de l’Aigle se réclame de l’Orphisme et du Pythagorisme, de ce fait il perpétue cette Tradition (et bien plus encore). Comme nous le verrons au cours de cette étude, certains des Enseignements initiatiques que nous transmettons entrent fortement en résonance avec les pensées et les principes philosophiques de ces deux courants. Il est aussi à noter que sur d’autres points, notre Enseignement fait écho au stoïcisme et nous apprend en quoi sa pratique peut être salutaire.

A travers les siècles, beaucoup d’intellectuels, philosophes et mêmes scientifiques ont senti les hautes Vérités qui se cachaient dans le Pythagorisme et beaucoup s’en sont inspiré. On trouve d’abord ce que Damascius (3) nommait « la chaîne d’or de Platon », partant d’Hermès Trismégiste, passant de Pythagore à Parménide, Empédocle, Platon, Speusippe, Xénocrate, Aristote… Mais on sent bien aussi l’inspiration pythagoricienne s’inscrire au long des siècles chez des penseurs comme Raymond Lulle, Luca Pacioli, Paracelse ou Tommasio Campanella. Plus proches de nous, comprenant et exprimant à leur tour les harmonies de la Nature, la présence cachée de l’Unité dans la pluralité de ses manifestations cosmiques, ou encore la Science Sacrée des Nombres, on peut citer Emmanuel Swedenborg, Franz von Baader, Schelling, Novalis, l’abbé Lacuria, Louis-Claude de Saint-Martin, Eliphas Lévi ou Papus.

Dans son Que sais-je ? Pythagore et les Pythagoriciens, Jean-François Mattéi (4) explique comment un génie aussi grand que Kepler s’est rallié à la théorie pythagoricienne des cinq polyèdres, que la tradition appellera " corps platoniciens ".





Jean-François Mattéi explique par ailleurs comment le pythagorisme a été précurseur de fortes avancées astronomiques et en particulier celle de la conception d’un monde non plus géocentrique, mais héliocentrique : « Philolaos (5) semble être le premier penseur à affirmer que la Terre n’est pas au centre de l’univers, mais que celui-ci est ordonné autour d’un feu central unique : ce système pyrocentrique met en question le système géocentrique qui allait s’imposer jusqu’à la révolution de Copernic, comme si l’intuition religieuse guidait l’hypothèse proprement scientifique, ce qui sera encore le cas chez Copernic, Tycho de Brahé, et Kepler ».




Cette même « raison intuitive » qui guide les esprits clairvoyants, grands penseurs, philosophes, poètes… est une Vérité qui ne peut se comprendre par ceux qui ne l’ont pas expérimentée. L’Ordre du Lys et de l’Aigle affirme sa réalité et comment cette perception des correspondances analogiques permet de "capter" des hautes Vérités qui dépassent l’entendement humain. Edgar Poe (6), dans sa cosmologie poétique Eurêka, ne dit pas autre chose. Il explique très bien la vérité poétique et intuitive de son système qui se vérifie d’après lui par la beauté qui s’en dégage. Et ce qu’il décrit rejoint complètement la pensée pythagoricienne. D’abord la mise en lumière des rapports entre l’Un (qui fut au commencement et qui sera à la fin) et le multiple. Et que de cette infinité de rapports naît l’harmonie du monde. On peut voir aussi dans cette intuition fulgurante dont témoigne Edgar Poe dans son poème Eurêka, celle de l’âge fini des étoiles, comme le souligne l’astrophysicien Jean-Pierre Luminet (7) mais aussi celle d’un univers analogue au système des « corps platoniciens » et en particulier au dodécaèdre qui, poétiquement, est sensé renfermer l’ensemble de l’Univers, qu’il enveloppe comme la « coque de la sphère ».

Cette petite parenthèse sur Edgar Poe n’a pas d’autre ambition que de montrer comment certaines pensées pythagoriciennes peuvent se retrouver chez des auteurs modernes inattendus, de manière parcellaire certes, mais non moins réelle. Elle veut aussi mettre en lumière qu’il y a une autre voie de Connaissance qui ne découle pas uniquement des pensées inductives ou déductives qui ont guidé l’histoire de l’humanité dans sa quête du savoir. Cet autre chemin de la Connaissance de l’invisible peut s’appuyer sur l’intuition créatrice des artistes, comme il peut être aussi l’apport des Maîtres Initiés qui, ayant accès à d’autres réalités et d’autres Vérités que celles données à observer à l’esprit humain, ont illuminé les époques de leur sagesse et ont laissé leur empreinte par les Enseignements qu’ils ont donné sans compter. Pythagore était un de ceux-là.

Ce qui déroute parfois les analystes, notamment athées, c’est la globalité du système de pensée pythagoricien, qui trouve un sens et une logique unifiante à toutes les réalités cosmiques, qui répond aux questions métaphysiques et qui investigue toutes les dimensions de la Connaissance. Pour le courant Pythagoricien, par exemple, les Mystères et les lois de la Nature enseignés au sein de l’École avaient des transcriptions concrètes dans des domaines très divers et c’est ainsi qu’on retrouve chez les pythagoriciens des avancées énormes dans la science des nombres, en arithmétique, en géométrie, en astronomie, dans la musique par l’invention de la gamme naturelle construite sur le cycle des quintes, etc.

Le pythagorisme est un courant qui s’étale sur plusieurs siècles. L’Enseignement qui y était dispensé s’inscrivait dans une Tradition orale et se transmettait au sein d’Ecoles ou de Maîtres à disciples. A travers les âges, il n’est resté " officiellement " de toute cette Tradition que des écrits tardifs et parcellaires, simples fragments d’un Enseignement bien plus vaste et global. Sur ces bases qui ne représentent pas toujours l’Esprit et l’authenticité de la pensée initiale, les commentateurs modernes (comme nous l’expliquions au début de ce texte) ont parfois caricaturé et tourné en ridicule des pensées pourtant très profondes, transcriptions des Vérités les plus hautes. La philosophe Simone Weil (8) ne s’y est pas trompée et elle écrit dans La source grecque : « Pythagoriciens. Centre de la civilisation grecque. On n’en sait presque rien, sinon par Platon » […] Platon « n’est pas un homme qui a trouvé une doctrine philosophique. Contrairement à tous les autres philosophes (sans exception, je crois), il répète qu’il n’a rien inventé, qu’il ne fait que suivre une tradition, que parfois il nomme et parfois non. Il faut le croire sur parole. Il s’inspire tantôt de philosophes antérieurs dont nous possédons des fragments et dont il a assimilé les systèmes dans une synthèse supérieure, tantôt de son maître Socrate, tantôt de traditions grecques secrètes dont nous ne savons presque rien sinon par lui, la tradition orphique, la tradition des mystères d’Eleusis, la tradition pythagoricienne qui est la mère de la civilisation grecque, et très probablement des traditions d’Egypte et d’autres pays d’Orient. Nous ne savons pas si Platon était ce qu’il y a de mieux dans la spiritualité grecque : il ne nous est pas resté autre chose. Pythagore et ses disciples sans doute encore plus merveilleux. »

Cette Tradition est un fil d’or qui a relié les Initiés au cours des âges, elle est englobée dans ce qu’on appelle la Tradition Éonienne. L’Ordre du Lys et de l’Aigle poursuit cette œuvre. Et nous allons maintenant découvrir dans les prochains chapitres certains des liens qui unissent les Enseignements pythagoriciens et ceux de l’Ordre du Lys et de l’Aigle.


A suivre…

Olivier Du Roi – Mai 2021


1 Emile Bréhier (1876 – 1952), agrégé de philosophie, a été enseignant en lycée puis professeur d’université et a dirigé à partir de 1940, La Revue philosophique.

2 Sylvie Vauclair, astrophysicienne à l’Institut de recherche en astrophysique et en planétologie, professeur émérite à l’université Paul Sabatier de Toulouse. Elle a été membre de l’Académie nationale de l’air et de l’espace.

3 Damascius est un philosophe néoplatonicien né à Damas en 458 et mort en 533.

4 Jean-François Mattéi (1941-2014), fut professeur de philosophie grecque et de philosophie politique. Il enseigna à l’Université Nice Sophia Antipolis et fut l’un des maîtres d’œuvre de l’Encyclopédie philsophique (PUF).

5 Philolaos, né vers 470 et mort vers 390 av. J-C, est un philosophe, astronome et mathématicien grec, figure de la tradition pythagoricienne.

6 Edgar Poe (1809-1849), est un poète, romancier, nouvelliste, critique littéraire, dramaturge et éditeur américain, ainsi que l’une des principales figures du romantisme américain.

7 Edgar Poe. Eurêka. Préface de Jean-Pierre Luminet qui montre que le poète peut rejoindre par ses intuitions

les découvertes des astrophysiciens modernes : expansion de l’espace, présence de trous noirs supermassifs.

Éditions Dunod, 2017.

8 Simone Weil est une philosophe humaniste née à Paris en 1909 et morte à Ashford en 1943.



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